Belgique

Françoise Tulkens (Cour européenne des Droits de l'Homme) : "Tous les droits humains ont été mis à l'épreuve pendant la pandémie !"

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Par Lucie Hermant

Françoise Tulkens, ancienne vice-présidente de la Cour européenne des droits de l’Homme était l’invitée du Grand Oral RTBF/Le Soir ce samedi 15 mai sur La Première. Elle décortique la démocratie mise en danger par la pandémie de Covid-19 et se positionne sur le cyberharcèlement que dénoncent Florence Hainaut et Myriam Leroy dans le documentaire #salepute, diffusé sur Auvio.

La crise sanitaire a conduit les autorités à prendre des mesures fortes au nom de la protection de la vie et de la santé, au nom de l’urgence, quitte à mettre la charrue avant les bœufs, sans respecter stricto sensu le débat démocratique. Pour Françoise Tulkens, c’est un problème majeur en Belgique.

"Dans une démocratie, où j’espère que nous resterons – parce que la démocratie est en détresse en ce moment, c’est certain – dans une démocratie comme la nôtre, il y a forcément des conflits entre le droit à la santé et les droits fondamentaux —. Et cela doit être discuté au Parlement. Par rapport à la pandémie, il faut un contrôle démocratique qui respecte l’A-B-C des Droits fondamentaux : que les mesures poursuivent un but légitime, dans ce cas c’est la santé, et que ces mesures soient proportionnées. Une fois qu’on restreint les libertés des individus, s’il y a bien une chose qui doit être décidée par un Parlement démocratique, c’est ça."


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Le droit à la Santé ne peut pas tout justifier

Alors dans quelle mesure peut-on entraver le droit à la liberté au nom du droit à la sécurité des personnes, qui a tendance, depuis 2015, à devenir le droit majeur ?

"Il n’y a pas de hiérarchie entre les droits fondamentaux. Le droit à la vie, bien entendu, mais qu’est-ce que c’est la vie ? Est-ce que c’est la vie biologique ou est-ce que c’est la vie sensée ? La vie à travers tout l’environnement social ? Il peut y avoir des différences de degrés mais pas des hiérarchies, sinon ça finit par justifier tout. Et en ce moment, c’est ça qu’on fait."

Le droit à la santé dans l’urgence ne peut donc pas tout justifier, encore moins sur le long terme, aux yeux de l’ancienne vice-présidente de la Cour européenne des droits de l’Homme.

 

"#Sale Pute"

Le documentaire réalisé par Florence Hainaut et Myriam Leroy, qui est sorti mercredi 12 mai sur la RTBF et Auvio fait beaucoup parler de lui. Un film qui met notamment en lumière que l’espace numérique est devenu un terrain de bataille pour certains hommes qui veulent reconquérir une puissance et une place dont ils peuvent se sentir déposséder dans l’espace public.

En réaction, certaines voix s’élèvent en disent que les femmes exagèrent la situation. Pour Françoise Tulkens, au contraire, elles n’en font pas encore assez.

"Je suis ravie que la parole des femmes se libère, et quand une parole se libère, elle est toujours excessive. C’est tellement dur de trouver un espace pour sa voix qu’on doit aller au-delà pour être entendue."

Il est d’ailleurs encore très difficile aujourd’hui pour une femme d’être soutenue par la justice.

"Il est temps que les violences faites aux femmes entrent dans le système de justice pénale. Ça commence par la police, puis le parquet, puis le juge ou le jury. Elles doivent pouvoir utiliser la justice, ce qui demande un certain degré de force, d’émancipation et de courage."

 

"Un chat n’y retrouverait pas ses jeunes"

Parmi ses nombreuses casquettes, Françoise Tulkens est aussi présidente de l’association du quartier des Arts à Bruxelles. Ce même quartier où Philippe Geluck envisage de poser ses valises pour transformer un vieux bâtiment, laissé à l’abandon depuis de nombreuses années, en un musée consacré au Chat, entre autres. Ce qui suscite de gros débats ces derniers jours.


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"Le bâtiment dont il est question a été abandonné par les autorités publiques pendant de nombreuses années et ça c’est insupportable. En ce qui concerne l’affectation, le Chat et son maître sont venus, et ils ont mis plus de 7 millions sur la table. Mais si la Région de Bruxelles-capitale fait du culturel, il faut qu’il y ait des procédures beaucoup plus transparentes et participatives. Il est important qu’il y ait de vraies politiques culturelles à Bruxelles. La culture c’est capital, c’est ça qui nous fait vivre."

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