Au bout du jour

Françoise Tulkens: "Les droits de l'homme n'ont plus la cote"

Françoise Tulkens: « Les droits de l’homme n’ont plus la cote »

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Par Camille Toussaint

Les droits de l’homme sont-ils encore la préoccupation des gouvernements européens ? Pour les défenseurs des droits fondamentaux, il est clair qu’ils ne sont plus une priorité. Et c’est très interpellant. Pour en parler, Eddy Caekelberghs a reçu Françoise Tulkens, ancienne juge à la Cour européenne des droits de l’homme, et Georges de Kerchove, avocat et figure connue du mouvement ATD Quart Monde.

Les deux intervenants ne le cachent pas. Le respect des droits fondamentaux en Europe est mis à rude épreuve. Françoise Tulkens est préoccupée : "On voit que depuis quelques années, les droits de l’homme n’ont plus la cote. Ils sont soumis à rude épreuve : celle de la sécurité, du terrorisme, etc. Beaucoup d’états ne veulent plus de ce contrôle des droits l’homme, ils ne veulent plus de contrôle externe comme celui de la Cour européenne des droits de l’homme".

Une mise à l’écart qui peut tout simplement, selon elle, mettre en péril l’Etat de droit : "Il est évident que c’est un recul. Par exemple en Pologne, si les juges sont nommés par l’exécutif, c’est fini. C’est terminé. Il n’y a plus d’indépendance des juges, or c’est un point crucial. Ce type de décisions, ce sont des attaques à l’Etat de droit. Parce que l’Etat de droit, c’est avoir droit à un judiciaire et à un juge impartial et indépendant".

Georges de Kerchove partage ce point de vue. Et il souligne que si, dans certains pays européens, l’indépendance des juges n’est plus garantie, la Belgique n’est pas en reste : "En Belgique, le budget de la justice est presque risible par rapport aux autres pays européens. Et la réaction, c’est qu’on réduit l’accès à la justice. On impose des conditions supplémentaires, il faut payer quelque chose, et on impose à celui qui demande d’avoir accès à la justice d’amener la preuve de son état de pauvreté. Ce n’était pas le cas avant".

Les mesures d’austérité, une barrière aux droits de l’homme 

Les mesures d’austérité ont fait leur apparition dans de nombreux pays d’Europe. Et là encore, il y a eu, selon Françoise Tulkens, négligence vis-à-vis des droits de l’homme : "Elles ont été imposées à la population et ont évidemment entrainé une précarisation accrue. Elles ne frappent pas tout le monde de la même manière. Elles frappent plus durement les femmes et les enfants, il faut le dire. Elles me posent problème, car elles n’ont pas pris en compte le respect des droits fondamentaux, à savoir la dignité humaine".

Elle explique que le bagage des droits de l’homme devrait être plus présent dans l’enseignement et dans l’éducation des plus jeunes : "Tout passe par une culture des droits fondamentaux. Ces questions basiques et cruciales, ça s’apprend comme tout autre chose : les mathématiques, le français, l’histoire etc. Et si on ne le fait depuis le début, pardonnez-moi, mais on a la société qu’on mérite. Et il ne faut pas me dire qu’on a pas l’argent. Ce n’est plus acceptable comme argument. Dans un pays comme le nôtre, on en a. Et le problème c’est qu’il n’est pas là où il devrait être".

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